Il y a beaucoup de mouettes. On ne peut pas dire que la Mouette est un animal original, c’est un grand classique auquel s’essaient de nombreux metteur en scène. Mais la Mouette de Cyril Teste avec son style mutant est sans doute le brin d’ADN qui manquait pour redonner de l’originalité à ce texte.
En toute honnêteté, c’est la première fois que je vois La Mouette de Tchekhov au Théâtre. J’ai découverts son texte à l’université en étudiant le film de Karassik paru en 1970. Je ne peux donc pas comparer les adaptations théâtrales. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’implication du cinéma dans le théâtre.*
Le Cinéma provient du Théâtre et vice versa…
Comme dans ses pièces précédentes, Nobody, Opening Night et Festen qui se sont jouées aux Célestins, Cyril Teste emprunte au Cinéma les dimensions qui manquaient au Théâtre. Il n’est pas question de diffuser une vidéo pré-enregistrée mais de filmer et projeter le théâtre en direct pour le décupler. Il s’agit de mettre en lumière des détails sur la performance des acteurs, de jouer avec le décor ou de créer des espaces cachés pour augmenter les sensations et l’omniscience du spectateur. C’est véritablement une expérience immersive du Théâtre.
Plus d’espace, plus de rythmes grâce à la vidéo en directe
La scène du Théâtre des Célestins n’est pas très large. Pas facile d’instaurer des cadres aussi important que le décrit l’auteur dans son texte. D’une certaine manière, les décors, les environnements de La Mouette, me rappellent aussi cette nature ardente décrite dans Stalker de Tarkovski, qui enferme ses personnages dans une bulle les condamnant à l’introspection. Pour exprimer cette exubérance, il faut du talent. Ici ce talent s’exprime avant tout sur l’épaule du caméraman et la chorégraphie apportée aux supports de projection.
Tantôt dehors face au lac, tantôt dedans à l’abris des pièces de la maison, les acteurs évoluent dans une danse au travers de plateaux fixes dont certains sont cachés et que la caméra vient démêler en projetant leur image sur des toiles de peintre où seul le metteur en scène et les spectateurs connaissent la teinte. Il n’y a plus de limite, la scène devient immense comme l’œuvre théâtrale.
Le plongeon final
Le rythme est induit par les aller-retours physiques des comédiens et la chorégraphie des projections cinématographiques sur les éléments du décor. On peut observer des actions sur le devant de la scène mais aussi des actions cachées dans le décor grâce à la vidéo. Cela crée un rythme soutenu tout au long de la pièce jusqu’au dernier acte où le cinéma occupe une place plus importante. En effet, la scène se passe majoritairement dans l’espace caché du décor. Cela a tendance à casser un peu le rythme. Le final n’en reste pas moins magnifique avec cette vue sublime sur le lac aussi calme et glaçante que l’épilogue est tragique.
J.A.
Visuel : Communication Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône – Crédit photo : Simon Gosselin